Discours de Monsieur Gérard PALLEAUX en hommage à Samuel PATY
Discours du Président de la Fédération des Œuvres Laïques de la Creuse lors du rassemblement du 19 octobre dernier à Guéret
"Vendredi 16 octobre, Samuel PATY professeur d’histoire géo quitte son collège du Bois d'Aulne à Conflans-Sainte-Honorine où il enseigne… Et, après quelques minutes tombe décapité sous les coups d’un djihadiste. Assassiné pour avoir voulu expliquer à ses élèves un exemple de liberté d’expression déjà souvent bafouée. Samuel PATY est mort parce qu'il a tenté de combattre l'obscurantisme en suscitant le débat d'idées au sein de ses classes. Ce qui est insensé, terrifiant et insoutenable à notre conscience se produit désormais régulièrement sur notre sol républicain français.
Pour qualifier cet acte immonde, lâche et odieux je cherche des mots, d’autres mots que ceux déjà prononcés maintes fois, trop de fois, pour trouver des superlatifs à l’horreur et montrer notre indignation, notre colère et notre révolte. Je cherche des mots performatifs, justes, pour nommer l’ineffable et enfouir à tout jamais ces actes sordides, barbares et infâmants.
Des mots, qui diraient tout notre ressentiment et notre horreur en une simple phrase pour montrer notre douleur, notre effroi et notre peine profonde ; des mots précis qui nous guériraient en même temps de ce malheur, voire aussi peut-être, d’un sentiment de haine vengeresse que nous pourrions ressentir…. Des mots, qui détruiraient le mal dans l’œuf, en purgeant cet abcès grossissant, maladie d’un monde où l’irrationnel totalitaire guide et manipule des esprits étroits et fragiles.
Ces mots, je ne les trouve pas !
Et c’est une fois de plus notre République Française qui se trouve bafouée, salie…Notre école républicaine outragée et blessée… Et puis notre liberté, car au-delà de la liberté d’expression pour laquelle Samuel a perdu la vie, c’est notre liberté totale et entière qui est menacée…
C’est notre laïcité qui, elle encore, une fois de plus est mise à l’épreuve par ceux-là mêmes qui la conspuent par des moyens cyniques et perfides, puis tentent à chaque instant de la disqualifier et de nous déstabiliser ; alors même, que c’est cette laïcité qui leur a donné la liberté de s’exprimer sur notre sol !
Ne soyons pas dupes, ne nous cachons plus derrière des voiles pudiques des « Oui…Mais… » Dont l’innocente impuissance ouvre tous les champs à la férocité et aux actes barbares ! Ne laissons pas agir ceux qui détournent la liberté d’expression au seul profit de leurs manipulations funestes. Ce sont des fanatiques, ennemis de la République et il faut les traiter comme tels. Les victimes sont bien celles et ceux qui ont péri sous les assauts sauvages des doctrinaires intolérants et non l’inverse !
Notre loi, c’est celle de notre République et non celle de quelque idéologie, ou religion quand bien même se pareraient-elles de source de paix… Chacun peut croire ou ne pas croire c’est la vertu de la laïcité.
La Laïcité, je le répète, une fois encore, n’est pas une opinion, ni une idéologie, ni une religion, mais la liberté d’en avoir une ! Décidément Laïcité et Liberté sont intimement liées…
Alors ne laissons plus aux perfides cruels et abjects la possibilité de nous déposséder de ce qui doit faire l’unité paisible de notre peuple, à ceux qui veulent nous faire taire et nous impressionner pour mieux nous emprisonner dans leurs geôles de manipulateurs de consciences!
Je veux qu’ici et maintenant, ensemble, nous rendions hommage à la mémoire de cet enseignant vertueux et que nous compatissions à la peine de sa famille et de ses proches… Mais je souhaite, de même, qu’ensemble nous nous battions de toutes nos forces contre cette hydre immonde qui s’immisce sournoisement et engendre la terreur. Et souvenons-nous, que pire que la peur il y a la peur de la peur !
Ne tremblons-pas, agissons de concert pour aider notre République et ses représentants à prendre les mesures coercitives nécessaires pour éradiquer ce mal… Aucun manquement ne doit être toléré dans la défense de nos institutions lorsque ceux qui les désavouent et les bafouent tentent de les contourner ou de les forcer !
Je cherche encore des mots
Peut-être en est-il même, de ces mots prononcés ce jour, pour dire tout à la fois notre colère et notre dépit, qui pourraient nous condamner aux yeux de ces ombres sadiques et perverses alors que notre volonté reste celle de la paix et de l’humanisme…
Et puis il y a nos larmes, celles de nos cœurs meurtris, ce sont les larmes de notre République outragée, de notre liberté d’expression bafouée, de notre liberté d’enseignement républicaine menacée et celle de notre Liberté toute entière, encore une fois, mise à mal…
Comment peut-on enseigner dans une telle situation ? Et comment les enseignants peuvent-ils pratiquer une pédagogie libre et personnalisée dans ce contexte de dictat d’opinions extrémistes diverses ? Les enseignants à tous niveaux ont le respect des règles, ils les connaissent, ce sont celles des instructions officielles et de nos institutions. Ils respectent aussi les particularismes nombreux de leurs élèves et tentent au quotidien de faire vivre ces différences dans le cadre de nos engagements républicains ! Et chacun le sait la tâche n’est pas toujours simple…
Pourra-t-on, si on laisse faire, encore pratiquer ce métier d’enseignant avec la liberté de ton et d’appréciation, le courage de dire et d’enseigner selon les principes républicains qui sont nos valeurs essentielles ?
Ces valeurs humanistes restent les seules applicables et doivent contrecarrer les déclamations incantatoires, les versions doctrinaires d’extrémistes radicaux. Ou alors, devrait-on faire apprendre par cœur à nos enfants, sur des bréviaires abscons et insondables, des vérités partiales et arbitraires ? Ceux qui profèrent et professent ces appels aux meurtres et à la déflagration sociale trouvent les mots, eux, pour manipuler des esprits malins et les guider vers le crime.
La paix sociale ne se réalise pas à coups de reculades et de mièvres réprimandes ou encore de propos sibyllins quand nos institutions sont menacées, la paix se forge et se réalise par l’application stricto sensu de nos valeurs librement consenties et sans relâche par leur affirmation ici et à l’école républicaine.
« Le monde est dangereux à vivre non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire ». Albert Einstein
Texte de Martin NIEMOLLER (1892-1984), souvenez-vous :
Quand ils sont venus chercher les communistes, je n'ai pas protesté parce que je ne suis pas communiste.
Quand ils sont venus chercher les Juifs, je n'ai pas protesté parce que je ne suis pas Juif.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai pas protesté parce-que je ne suis pas syndicaliste.
Quand ils sont venus chercher les catholiques, je n’ai pas protesté parce-que je ne suis pas catholique.
Et lorsqu'ils sont venus me chercher, il n'y avait plus personne pour protester
On ne demande pas de débat sur le suprématisme ni sur le grand remplacement dans nos propos de ce jour seulement une profonde douleur et une commisération collective pour la mémoire de Samuel PATY."